Tarsinge l'homme zan
On n'imagine pas à quel point il peut être risqué voire dangereux de se rendre dans un lieu public en n'ayant pris soin de faire ramoner TOUS ses conduits.
J'en veux pour preuve l'anecdote édifiante d'une amie riche, si ce n'est en expérience, du moins en années qu'elle aurait dû consacrer à vérifier régulièrement ses niveaux, afin d'éviter de blesser autrui.
Cette brave fille, peu encline à la chose sportive, voire réfractaire à tout mouvement superflu, s'était pourtant laissée convaincre par sa soeur d'aller nager un peu en piscine, histoire de dérouiller des articulations arthrosées et soulager un dos mis à mal par des décennies au service d'une administration fort peu regardante sur la conscience professionnelle d'employés courbés à temps plein (10h-15h) sur des tâches aussi ingrates qu'inutiles et pour lesquelles, lecteur plumé, tu paies plein pot.
Munie d'un maillot dernier cri d'avant-guerre, ladite employée de bureau -en voie de calcification définitive des vertèbres lui promettant, avant la retraite, le bout de ses pompes comme unique horizon- se mit en devoir de tenter un dos crawlé remarquable d'inefficacité motrice mais intéressant du point de vue du nettoyage des sinus. Désorientée par l'effort fourni, la courageuse ne reculait devant rien ni personne, allant jusqu'à percuter le mur atteint à chaque "longueur", une éternité pour la majorité des nageurs présents.
-"Tu vois que c'est sympa", lui dit sa soeur, épatée par la volonté de son aînée. -"Oui mais là j'en peux plus. Barbotons donc tranquillement tout en devisant", répondit la précalcifiée qui soufflait comme un boeuf. "Dis-donc, tu l'as vu çui-là, comme il a l'air fin, avec son torse en V de bodybuildé !". Venait de paraître en effet une créature au torse démesurément triangulaire suite à prise d'amphétamines propres à lui refuser toute descendance pour cause de lyophilisation de ses gamètes.
Tellement taillé à la serpe, le gars, que son crâne paraissait aussi minuscule que son bassin, le tout augurant de faibles compétences quant à la chose et à tout, car comme tu le sais, lecteur doué, tout vient du cerveau. Signe infaillible accompagnant cette microcéphalie aigüe, le sourire satisfait du gars, fier de faire admirer son gabarit monstrueux, avant d'entrer avec une lenteur calculée dans l'eau tiède dont il n'avait pas la moindre idée de comment qu'on fait pour en avoir.
Les deux soeurs se remirent à nager, l'aînée révisant ses notions de brasse qu'elle dut faire "coulée" eu égard à des cervicales l'obligeant déjà à regarder le fond de la piscine, puis de la nage dite "indienne", deux spécialités dans lesquelles elle excellait aussi bien qu'une tenaille.
Puis vint l'heure de partir et le hasard fit que le bodybuildé précédait de très peu les frangines. "Non mais, regarde moi ce pauvre type : il ne lui manque plus qu'un parapluie dans le derrière !" osa l'aînée. Et de ricaner tout en suivant le bébé cadum aux douches. L'eau n'y était pas tiède avec régularité, et quand le froid aspergeait le corps mou de la soeur aînée, celle-ci poussait des petits cris ridicules tout en se savonnant vigoureusement.
Le bodybuildé s'approcha d'elle et n'avait pas l'air content. Il lui dit quelque chose qu'elle ne comprit pas, toute entière à sa douche écossaise. Furieux, le bodybuildé quitta les lieux, tandis que la puînée se tordait de rire. "Qu'est-ce qu'il t'a dit ?" lui demanda t'elle en sortant. "Quoi ? Attends, j'entends rien" fit-elle en mettant sa main en pavillon. -" J'ai les oreilles complètement bouchées, ça me fait toujours ça quand je me baigne". En gros, le même principe dont souffrent les amateurs de musique bouchés aux écouteurs : tu parles très fort parce que tu ne t'entends pas et tout le monde en profite. Et le bodybuildé itou...
Aux dernières nouvelles, ma vieille amie fait la sourde oreille quand on lui propose le bassin. De toutes façons, elle est cassée en deux maintenant et dort en chien de fusil.
On n'est pas haltères égaux.