Grands d'Espagne
Les Espagnols sont sourds. J'en veux pour preuve les mégaphones greffés aux cordes vocales de gamins minuscules, soit un choeur de l'Armée Rouge par personne. Sous nos balcons vacanciers, un petit garçon de 4 ans, rachitique comme tout, joue en babillant. Sauf que son babil n'a rien de doux et qu'on se croirait à Paris, un dimanche à 7h du matin quand ma gardienne Mme Da Silva fait résonner son tonitruant bonjour à un leve-tôt et réveille sans vergogne toute la rue. Si les Portugais ont fait jadis sécession et renié l'ibère terre, ils conservent en souvenir de leurs frères péninsuliques une pilosité délirante et un organe vocal totalement inadapté pour la berceuse, sauf aux durs de la feuille, qu'ils sont devenus, par le fait même.
Les Espagnols n'adoucissent pas les moeurs. Prenons un musicien allemand tourmenté. Appelons-le Ludwig et donnons-lui à entendre dès le matin du fado, des castagnettes et les potins de sa bonne espagnole. Aussitôt, Lulu ferme son pavillon, quitte Leipzig en enfilant son boléro de la main gauche avec laquelle il griffonne une lettre à Elise -en fait Theresa- affectueusement signée "ta grosse Bebeeth", avant de faire craquer la 5è de sa Chrysler "D dur Kochel 25", révisée de frais par son pote garagiste Herbert Von. Moralité : quand l'ibère est précoce, le teuton se durcit.
Sur ce, fidèle lecteur, je te prie de me laisser finir mon pastaga en paix et en Espagne, beau pays qui fit sous Luis quand les hordes armoricaines l'envahirent et violèrent tous les chiens errants, laissant à la postérité une race de coureurs, infatigables et poilus, qui traquent encore aujourd'hui l'albinos dans les huertas giboyeuses et font les maîtres-chiens pour sourds-muets en un croisement qui honore la mixité canine : l'espagnol breton.