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ça va saigner
14 novembre 2010

Histoire de bêtes

Eric_BEAULIEU_Gordon04J'aurais bien repris une bête. Un chien ou un chat. Comme dans le bon vieux temps, où Titch et ses Broteurs étaient petits. Nous avons eu successivement quatre chats et un chien. Les chats ont tous connus un sort funeste et une vie scandaleusement courte, grâce aux bons soins d'automobilistes pressés ou d'empoisonneurs ruraux.

Le chien a fini par être confié à un homme d'agriculture et chasseur ou pour le moins disposant d'assez d'espace pour satisfaire à la dépense physique d'un setter gordon. Jude, c'était son nom, rapport au goût toujours prononcé de Titcheur pour les Fab 4. Jude, belle tête et magnifique bestiole au galop chaloupé, guépard sans sauvagerie.

Jude, sacré coquin, farceur, tendre et aimant. Jude dont je n'ai pas de nouvelles. Jude que je m'en veux d'avoir donné pour cause de divorce qui m'obligeait à habiter un 3 pièces avec mes 3 enfants. Et alors ? J'aurais pu continuer à le sortir 2 h par jour et courir derrière lui, à la laisse, dans les jardins parisiens. Certes, il fallait mouliner sévèrement pour le suivre et les claquages de cuisse furent au rendez-vous. Certes, je n'ai pas bien su l'empêcher de tirer sur sa laisse, en ville, rendant les promenades physiquement pénibles sur les trottoirs.

Car comment ne pas fondre devant ce cabot irrésistible ? 

Tout petit déjà, il savait y faire pour masquer ses bêtises. Je lui avais permis de grimper sur le canapé. Pourquoi ce mignon n'aurait-il pas profité d'un peu de confort ? Le voyant un jour sagement couché sur l'un des coussins, les bajoues reposant benoîtement sur le moëlleux accessoire du sofa, les yeux innocemment levés vers moi, je me pensais "qu'il est croquignolet !". Un moment après, retapant les coussins, je découvrais que si ses bajoues reposaient mollement sur le coussin, c'était pour mieux cacher ses jeunes crocs, plantés dans l'un des angles lacérés dudit coussin. Première ruse notable.

A cette même époque, quand nous vivions à la campagne, Jude connut une période fortement axée sur l'éventrage des poubelles, probablement un succédané à ses talents de chasseur non exploités par des maîtres n'aimant pas la boucherie organisée.

Entendant un bruit de choc léger et répété, en bas dans le garage, je retrouvais mon Jude au milieu de détritus éparpillés et la tête coincée dans une boîte de Benco. Le malheureux tentait en vain de s'en défaire et heurtait toute chose avec ce truc qui lui donnait l'air d'un cosmonaute en perdition. Hilarité peu charitable, pendant qu'aux ciseaux, je le libérais bien vite.

Quelques mois plus tard, nous avions quitté notre douce province, pour cause de mutation professionnelle maritale à Paris. J'étais un jour en grande conversation téléphonique avec une amie de ma vie d'avant, ce dont Jude n'avait cure puisqu'il se mit à me mordiller les mollets et les fesses dans le but de me faire cesser de causer dans le bignou.

Je continuais malgré tout à papoter tout en arpentant l'appartement pour échapper aux canines du bon chien. Rien n'y fit. Je finis pas m'asseoir pour protéger ce qui me restait d'arrière-train. Loin de se trouver dépourvu par ma ruse, le toutou s'installa lentement sur mes genoux mais comme il était déjà de taille adulte, et que le fauteuil était très enveloppant, très vite, je manquais d'air, tournant désespéremment la tête pour tenter de respirer mais ne rencontrant que le grand pif humide et la langue affectueuse de ce chien malin. Well done, Jude. Je raccrochais en riant devant tant de finesse.

Quant à mes chats, ils ne furent pas en reste pour me donner du fun. Tous furent nommés Spot en hommage au livre éponyme préféré de mes enfants. La première Spot fut tigrée et sauvée de la noyade. Très joueuse, elle aimait chaque soir se percher assez haut pour me faire grimper au mur, jouant d'une patte veloutée avec ma main qui tentait de l'attraper, après avoir miaulé comme une perdue pour m'appeler au secours. En guise de remerciements, elle dormait contre mon cou et têtait toute la nuit mon col de pyjama. Trop beau !

Les autres demoiselles, bien que noires comme l'encre, furent charmantes aussi, me sonnant à 5h du matin pour sortir et à 5h08 pour rentrer au chaud. Entre temps, elles répondaient bien à mes sollicitations de jeu, tous les soirs sur mon lit. Je grattais sous la couverture, imitant les déplacements saccadés d'une bestiole, pour qu'elles se jettent dessus comme de petits tigres cruels ou qu'elles se fassent peur en faisant des bonds verticaux donnant l'illusion comique d'une aspiration vers le haut. J'avoue avoir beaucoup ri avec ces innocents amusements (cf. les aventures hilarantes de Simon's Cat). Nous nous endormions ensemble, elles ronronnant dans mon cou avec tendresse, moi sombrant dans de doux rêves, mon mari jaloux ronflant par pure vengeance. En même temps, il n'avait qu'à me faire rire, aussi.

Bon sang, mais c'est bien sûr. Je me rappelle, maintenant. J'ai eu 4 chats, 1 chien ET 1 mari. Ce fut  la plus curieuse bête de la bande. Il ne s'est pas fait écraser par une voiture, ni empoisonner par des paysans mauvais à coup de pesticide. Il a juste fugué. Pourtant, j'ai toujours veillé à ce qu'il reçoive bien sa ration de câlins et de croquettes. Je ne comprends pas.

Sauf si... Si la fidélité légendaire du chat et du chien est atavique, ce serait-y pas par hasard la faute à sa race que le mari, cet animal étrange, ait irrésistiblement vocation, au moins une fois dans sa vie, à changer de maîtresse ?

Je pose la question.

 

 

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Commentaires
Q
@everybody : j'en jappe de contentement : merci pour vos gentillesses !
D
J'aime beaucoup cette article sucré salé, parfois le chien est plus appréciable que l'homme, quoiqu'on y fasse :)<br /> <br /> Au plaisir
L
Oh ben moi j'dis ça...<br /> J'pouvais pas deviner...
E
@lilas ennui c'était pour la rime!!!
Q
@Nine : en fait, je vois ce Nabaztag comme un compagnon bavard pour personne seule. J'aurais juste peur de sursauter à chaque fois que la "chose" se mettrait à causer !
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