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ça va saigner
1 janvier 2010

Y a un moteur qui nous suit

Gordini_R8Il était une fois une grande distraite (bibi) qui s'en allait dans sa petite voiture à pédales avec une camarade de l'université de Lyon dans le but de visiter le châtiau de Montbard, sujet d'une petite étude pour le département Moyen-Age. Toute entière à notre caquetage sur la recette du mâchicoulis sauce échaugette, j'oublie  complètement où je vais, pourquoi et me trompe de direction.

Avertie par ma co-pilote, je me gare sur le bas-côté avant d'exécuter, dès que possible, une demi-volte. Nous sommes seules sur cette petite route, hormis une voiture blanche qui nous suit. Mais nous jacassons tant et plus que l'espace-temps perd toute valeur, 2h équivalent à 2" sans problème. Pour moi, la bagnole est déjà loin d'autant que le rétroviseur gauche me montre une route déserte. Je relâche doucement l'embrayage tout en braquant, j'entends bing et aperçois un machin blanc plonger direct dans le fossé gauche.

Faut être juste, Msieur l'Agent, cette route est du genre étroit (comme vot'képi, Chef, c'est dire). Et entourée de profonds fossés pour éviter les débordements d'une Saône jamais feignasse pour sortir de son lit (pas comme toi, lecteur comateux pour cause d'éclusage sévère).

Le machin blanc qui venait de me bugner, c'était la voiture blanche précitée, une 4L fourgonnette, totalement oubliée par mon cerveau malade.

Sortant de mon auto-tamponneuse au mépris de la sécurité la plus élémentaire, je constate qu'au fond du fossé, trois bouleaux retiennent charitablement la petite collector, lui évitant de sombrer dans des flots noirs. L'ennui, c'est que rien ne bouge "là-bas d'dans" (patois local). Je tente de me rassurer en songeant à la vitesse proche du néant de ma Gordini au moment du choc. J'ai néanmoins les flopettes et n'ose descendre dans la fosse, cause que primo : c'est raide et boueux, deuxio : des fois que l'habitacle ne serait plus qu'infâme amas de chairs, tri de plaquettes, globules et bouts de cortex éparpillés jusque dans la boîte à gants. Ces visions d'horreur s'effacent quand la portière s'ouvre, laissant apparaître lentement une jambe pantalonnée de blanc, puis tout le reste surmonté d'une tête brune et bouclée, toute blanche aussi. Un avatar de Louis XIV emperruqué et poudré, mâtiné de Mime Marceau, voilà ce que j'avais devant moi. Il ne lui manquait que la parole au bougre. Dans la chute, une demi-douzaine de sacs de plâtre venaient d'attaquer par derrière l'artisan (de son malheur), lui explosant à la tronche dans un nuage de poudre parfaitement licite.

Roulant des yeux en cadence, la démarche mécanique, le clown blanc m'aurait fait la moonwalk que ça m'aurait paru la moindre des choses. Aphasique, le pauvre petit ne réagissait pas à ma sollicitude inquiète. J'allais lui coller une baffe pour créer un choc nerveux quand il s'est mis à marmonner "j'ai jamais vu ça. Ah bin, alors..." en une  boucle pilante qui aurait mérité une petite claque quand même. Mais bon. Pour le détourner un instant de ses malheurs, je lui montrai les dégâts qu'il avait causés à ma carriole, lesquels ne me mettaient pas, moi, dans des états aussi lamentables.

15 ans après, la dépanneuse se pointe et se place en travers de la chaussée, en occupant toute la largeur. La remontée de la fourgonnette est atroce. À tout instant, nous redoutons le pépin, les forces en présence étant inégales, vu la couche de gomme laissée par la dépanneuse sur l'asphalte. Sortie de l'ornière, pendue à son filin comme une tanche pas fraîche, la 4L balance mollement sous la pluie mordante de cet hiver 92. Probablement en fin de carrière, le treuil se croit alors autorisé à lâcher l'affaire, en un claquement sec et définitif. Et c'te pauvre bagnole de repiquer au truc, calandre la première, dans un fracas de  tôles retournant fissa aux bouleaux.

Le plâtrier, tombé à genoux, se frappe la poitrine, l'oeil révulsé, pendant que le dépanneur, impavide, s'octroie une sèche avant de recommencer la manoeuvre. Durement éprouvées par la première tentative, nous ricanons nerveusement, alors qu'au fond, nous ne sommes que désespoir et impuissance face à un sort si contraire (si, c'est vrai, même).

Deuxième laborieuse traction, seconde couche de pneumatique sur le bitume, mais cette fois, réussite totale : voilà la 4L à l'horizontale ! Le treuil avait tenu. Sauf que si tu lâches brutalement la corde tirée par un gars, bin le gars, il se casse la gueule. (eh oui, tu connais ça, lecteur farceur). En l'occurence, la voiture ayant cessé de peser de tout son poids sur le treuil arrimé à la dépanneuse, cette dernière se sentant dégagée de toute responsabilité, fait illico un bond vers le fossé opposé, manquant d'un cheveu y débarouler et avec elle, l'innocente 4L déjà par deux fois cabossée.

C'est là, je l'admets, qu'on aurait dû s'éloigner pour rire comme des hyènes sans vexer davantage le plâtrier et le dépanneur.

Quand je pense que mon mari a bramé pour une aile à peine déformée et qu'il n'est même pas venu nous chercher, je dis coquin de sort.

C'était un ch'tit billet pour fêter l'an neuf, ami lecteur à casquette, et te souhaiter une année 2010 tip top en ordre !

                                            "Santé, conservation, famille, patrie", comme disent nos amis suisses.

 

 

 

 

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Commentaires
Q
@Julien : sisi, tu as tout compris ! Tu peux mettre toutes les marques de voitures à la place de "rouler en R8 en 1992", c'est jamais une bonne idée avec moi !!!
J
La R8 Gordini de la photo, je dois dire, a vraiment la classe.<br /> <br /> Bon après, rouler en R8 en 1992, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée ^^ (dit le type qui n'a rien compris)
E
J'ai bien rigolé, merci d'egayer ma matinée :p
Q
@Caroline : ça joue !!
C
Y'm'semblait bien qu'la chute était quasi du patois suisse - tip top en ordre!<br /> <br /> Merci pour cette belle tranche de rire!<br /> Bien à toi, helvétiquement!
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